En passant

50 nuances de moisi(ssures)

Il pleut, c’est malheureux il pleut, depuis ce matin… (La bande son idéale pour lire ce post)

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Voilà, je voulais vous torcher un petit post parfaitement truculent sur l’acquisition de notre pick-up Mitsubishi L200 (oui je suis désormais capable de donner la marque d’une voiture ET son modèle, je progresse tous les jours dans des champs de compétences totalement insoupçonnés). Et puisqu’il en va sans doute des blogs comme des productions TV, et pour paraphraser l’un des plus singuliers visionnaires de Nouvo, voire de la RTS (Simon-Pierre si tu me lis, ta pensée traverse les années et les océans): pour faire vibrer les foules, rien de tel que du cul ou à défaut… des bagnoles. Bref, c’eut été grandiose, galvanisant, une histoire à rebondissements multiples avec du suspens, des personnages troubles, un Juif américain et des Pakistanais, pas de stupre mais alors de la grosse cylindrée, en veux-tu-en voilà.

Mais en fait non ! Parce qu’ici il pleut. Oui alors vous allez me dire dans le genre non-événement t’as rien trouvé de plus excitant, c’est pas une raison pour arrêter de vivre ou d’écrire sur les voitures (là il ne faut juste pas rentrer en matière, sauf si on est payé pour le faire, ce qui m’est arrivé une fois dans ma vie, long short story). Et pourtant si ! Alors déjà, quand je dis il pleut, il faut s’entendre sur la sémantique. C’est fondamental pour comprendre la diatribe qui suit ! On ne parle pas d’un petit crachin breton, tout léger, tout fluide, tendance brumisateur Evian. Ni d’une de ces petites rincées estivales sur le deck de la Jetée de la compagnie, « tiens, il goutte dans ma Nébuleuse » (mes références sont à la profondeur du Léman de nostalgie dans lequel je me noie en ce moment). Nan, nan. Ici, il serait plus approprié de dire – enfin si le Larousse l’avalisait – il déluge. En trois mois au Panama, il s’abat l’équivalent d’une année de flotte en Suisse (fermer vos mâchoires). Donc toute cette humidité, outre la vertu de me faire friser comme un caniche en fin de vie, me moisit l’humeur. Mon moral a l’allure d’un Roquefort anti(migros)daté. (lol)

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Effet collatéral: je tourne, et retourne, en boucle le petit refrain de tout ce qui nous fait défaut ici, (un supermarché, des amis, de l’eau chaude, des amis, des fringues sèches, des amis, un cinéma, des amis, du wifi, des amis, du chocolat, des amis, de l’animation, des amis, mon vélo chéri, des amis, Netflix, des amis à la Bossette, des amis à portée de main, des amis de confiance, des amis de confidence, des amis de tous les jours, des amis de toutes les nuits, sortez les violons, mais putain quand même vous nous manquez les amis). Même Michel Houellbec doit avoir une vie sociale plus riche que la nôtre en ce moment. Bien qu’il m’arrive de cultiver parfois ce côté sauvageonne introvertie, moi avoir peur du monde extérieur,  c’est toujours voulu, jamais subit, une nuance de taille. Autant dire que la contrôlante en moi qui s’agite et vit sa propre life – « elle est libre d’accord ? Elle fait ce qu’elle veut comme elle a décidé, quand elle a décidé, elle est pas venue ici pour souffrir, okay… » – se ramasse claques sur branlées depuis quelques semaines…

Évidemment, hein, merci, je suis au courant, c’est un choix, je vous signale que je l’assume, c’est pas pour autant qu’il est interdit de trouver des processus expiatoires, ni de broyer du noir (comment ça, se plaindre?)! Positiver, accepter l’impermanence des choses, cette situation est provisoire, inspire, expire, chien tête-en-bas, leggings et graines de chia. A ce rythme on finit dans un Ashram en Inde ce qui est bien la dernière image à laquelle j’ai envie de me raccrocher en ce moment. (Retour de la clope, alcool tous les jours, c’est dire si karmiquement (et oncologiquement parlant), on est plutôt sur une pente descendante (retrouver une vie plus simple et plus proche de la nature qu’ils disaient, hum, ouais, bon, ça c’était avant, cf. le premier post de ce blog).

Trêve de cynisme, si j’ai tout loisir pour cultiver mon marasme, c’est que ce torrent qui nous pisse dessus fige absolument toutes les activités de remise à niveau de la guest-house qu’on est censés ouvrir en décembre (ah oui, parce qu’on est là pour ça en fait, pas pour anéantir notre vie sociale, ni s’essayer à des formes sévères de dépression). Sysiphe, vous voyez, la pierre, la montagne, l’éternel recommencement, tout ça ? Pour poncer ou peindre des murs (beaucoup), des chaises (30), des tables (7), des barrières, il faut qu’ils soient secs. En milieu tropical, pour les sécher, il faut du soleil. S’il pleut, attention perspicacité, c’est mouillé , donc ça moisit, alors il faut poncer puis peindre, mais il pleut… (à ce propos, si vous aussi  -ça m’étonnerait- vous avez des murs qui moisissent, un petit coup d’eau de javel à l’éponge dessus, et c’est terminé, quand je vous disais « champs de compétences insoupçonnés », c’était pas du bluff). Du coup, « El hombre » se dit qu’il va plutôt poser des étagères dans la cuisine, mais il n’a pas de vis. Le supermarché est à 2h. Il pleut. La route est une rivière. Il a acheté une Mitsubishi L200, pas un Zodiac. Donc il regarde la pluie tomber sur le toit de tôle, toi tu le regardes lui. En silence, pas le choix! C’est physique, mais des gouttes de pluies lancées à pleine vitesse sur un toit de tôle ondulée, ça produit des décibels à en faire blêmir le Hellfest!  Résignée tu fais une lessive (on n’en est plus à une activité genrée près). Elle n’est pas très propre, mais ce n’est pas le propos. Ça c’est plutôt la machine conceptualisée pour le tiers-monde qui lave (pas justement) à froid  Tu n’as pas de sèche-linge. Et, rappelons-le pour les distraits, il pleut. Tu regardes au choix : tes fringues moisir, ou la pluie tomber (aller, avoue, toi aussi à ce stade tu commences à percevoir les 50 nuances de moisi bleu nuit).

Tu n’as pas d’amis, tu n’as pas de wifi (nous utilisons la 3G de nos téléphones, 2Go coûtent 15.- , c’est peu, c’est cher, (nous n’avons pas de revenus pour l’instant) pas de quoi s’oublier en avalant la saison 4 de Bron Broën, ni même les 3 première minutes du 1er épisode d’ailleurs). Mais heureusement tu as un Kobo avec notamment un Sylvain Tesson pas fini (une première) et de l’excellent (pléonasme) Philippe Janeada dedans, vive les liseuses électroniques (voilà pour la touche positive du jour, pas mieux en stock, désolée).

En guise de conclusion à ce post pas jovial pour un rond, je dirais, et c’est étrange d’associer de la réjouissance à cette période-là, sous ces latitudes-là, avec ce concept-là, pourtant, oui, c’est un fait, j’ai hâte de passer le mois de novembre, en Suisse, à boire des apéros bosser.

(NDLR. j’atterris le 10 novembre)

Une réflexion sur “50 nuances de moisi(ssures)

  1. Mais, bien sur que je te lis ! Les (tele)visionnaires traversent les années. Même si cette aventure m’échappe totalement, mes pensées t’accompagnent.

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